Les expositions en cours
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Le voyage des ombres
Jean-François GAVOTY
2024
« Le voyage des ombres » propose un jeu artistique en immersion dans les scénographies et les collections du Musée de la Vallée, avec deux polarités en tension : lier les qualités profondes et implicites des cadrans solaires à un récit visuel inspiré par l'histoire d'Émile Chabrand. Personnage emblématique des migrations au Mexique à la fin du XIXe siècle, à travers lui émerge (entre autres dimensions historiques) la passion et la culture des voyages si intenses dans cette vallée. Il se trouve que c'est une force qui a également poussé Jean-François Gavoty, non pas vers le Mexique, mais vers l'Italie ou la Chine. Les cadrans solaires mesurant traditionnellement le temps local, « mesurent » spontanément les ailleurs parcourus par le soleil depuis l'Est vers l'Ouest.
Cette exposition peut donc être également vue comme une évocation de deux voyages « emboîtés » : celui du voyageur Émile Chabrand (1882-1883), et celui des mouvements d'ombres graduées, affleurant de manière implicite dans les différentes séries de dessins.
A l'origine des œuvres présentées…
C'est dans ce qui était surtout un cabinet de curiosités « poussiéreux et saisissant » que le jeune Jean-François Gavoty découvre « des objets divers à l'usage de divers peuples », et un grand nombre d'animaux naturalisés en provenance des quatre coins du monde. Sa curiosité envers Émile Chabrand (1843-1893) s'intensifie quelques années plus tard, après qu'il ait hérité de manière surprenante de l'imposant alligator de la collection Chabrand.
La lecture du récit du tour du monde en 324 jours apportera de précieux éléments à son enquête artistique liant sur quatre décennies le saurien, le voyageur collectionneur et la Vallée.
De l'alligator naturalisé par Chabrand, rapporté à l'époque du zoo de Saint-Louis Missouri et rebaptisé par l'artiste « Alligator chabransis », vont naître trois sculptures, pour la première fois présentées ensemble : Louis l'agrandi réalisée avec la partie centrale du corps de l'alligator, Sirène et sourire, fabriquée avec la tête coupée de l'alligator et Extension de la démarche qui se déploie à partir des quatre pattes restantes. D'autres pièces dérivées par moulage d'Alligator chabransis étoffent cet ensemble.
Du récit « De Barcelonnette au Mexique » vont naître les dessins « Émile et les ombres » qui réinventent, par petites touches, le voyage d'Emile Chabrand (1882-1883). Sur chaque dessin, flotte une ombre de la chimère que ce dernier rapporta de Chine pour sa collection. Prélevées dans le récit en 1892, des phrases choisies jouent le rôle de maxime pour chaque dessin. Sous le pinceau de Jean-François Gavoty, ombres et phrases évoquent le point de vue suspendu d'Émile sur le monde d'alors, avec ses résonances actuelles.
L'Héliodon d'Émile a permis de réaliser les ombres de la chimère. Il s'agit d'une table de dessin articulée réalisée pour cette exposition. Elle est réglable en fonction d'une latitude et d'une date et d'une heure, choisies. Sous un projecteur qui joue le rôle du soleil, la réplique fidèle de la chimère de Chabrand projette alors sur le papier une ombre précise en fonction des données choisies dans le Tour du Monde (lieux, dates, heures).
Les dessins qui donnent l'heure, résonnent quant à eux avec l'activité du cadranier, voyageur dans le temps autant que dans l'espace… S'il était positionné sur la façade pour laquelle il est imaginé et calculé, chaque dessin pourrait faire office de cadran. Pour de multiples raisons, la plupart resteront simplement des dessins dont quelques lignes indiquent des heures d'ailleurs.
Jean-François GAVOTY
artiste plasticien et cadranier
Jean-François Gavoty est né à Salon-de-Provence en 1957, et grandit en Ubaye où ses parents s'installent en 1961.
Diplômé de l'École d'architecture de Grenoble, Jean-François Gavoty engage une activité de restaurateur et mouleur de sculptures et de peintures murales. Durant ses études, il participe, le plus souvent aux côtés de Michel Bourbon, à de nombreux chantiers de restauration à la villa Médicis à Rome, au musée de la Galerie des Offices à Florence, au Musée archéologique de Naples, puis à Paris jusqu'en 1990. La fulgurance de ces découvertes pour le jeune montagnard qu'il était, engagea sa connaissance de l'art sur un mode à la fois manuel, scientifique, historique et technique.
Comme un glissement évident sur cette nouvelle pente, il s'est engagé dans une carrière d'artiste, découvrant les dynamiques de l'art contemporain, et développant en contrepoint l'activité de cadranier. Pendant les années 80, sa formation de restaurateur lui a offert des opportunités d'intervention sur des cadrans remarquables à Briançon et en Ubaye, l'engageant dans le processus naissant de revalorisation des cadrans solaires disséminés dans les villages alpins.
Les situations culturelles auxquelles il était et est encore aujourd'hui confronté pouvaient se répondre, mais au prix d'une certaine décontraction au regard des normes et des réseaux artistiques : dans les Alpes les cadrans (art populaire, scientificité poétique et technicité originale) ; en France, en Italie, en Suède, au Canada, en Inde ou en Chine, des situations liées à l'art contemporain (sculptures, dessins ou installations se développant grâce à l'énergie des biennales, musées, galeries et centres d'art).
À partir des années 2000, ces latitudes culturelles décalées se sont hybridées dans des situations de commande ou d'exposition le permettant, et cela l'a amené à réaliser des objets plutôt drôles (cadran solaire, clepsydres à RTT, cadran à éclypses, …), ou des sculptures-cadrans et des dessins qui donnent l'heure.
Pendant trois décennies, Jean-François Gavoty a également été professeur dans différentes écoles supérieures d'art et design : à l'ENSBA à Lyon de 1990 à 1996, à l'ESAD à Saint-Étienne de 1991 à 1999, à la HEAR à Strasbourg de 1999 à 2023, ainsi qu'à E-Art en Chine de 2015 à cette année. Dans ces lieux d'enseignement et de recherche il s'est engagé autour de la question des objets : comment penser avec les mains ? Observer dans les choses leur capacité d'agir ? Dépasser les oppositions art-artisanat ou art-design, ou plus récemment contourner les oppositions nature-culture nous ouvraient avec les étudiant·es (et grâce à elles et eux) une incroyable diversité d'expériences artistiques réflexives et exigeantes.
Donation Georges COUFFIGNAL
Masques du Mexique
2023
Le musée accueille la collection de masques mexicains rassemblés au Mexique entre 1982 et 1986 par Georges Couffignal (1944-2019) lorsqu'il était directeur de l'Institut français d'Amérique latine à Mexico.
Ces masques proviennent principalement de l'État du Guerrero et « témoignent de la richesse expressive nahuatl de cet état (situé au Sud-Ouest de Mexico), terre de véritables artistes populaires » (Ruth Lechuga). Ils ont été acquis auprès « d'artisans mascareroset grossistes qui venaient vendre sous le porche de l'IFAL ; la plupart étaient originaires des villages nahuas du Haut Balsas » (Aline Hemond)
Une collection [déjà] montrée dans un musée…
Les masques de l'État de Guerrero, Lille, musée de l'Hospice Comtesse, 1986
En 1986, dans le cadre du Festival de LILLE, les masques rassemblés par Georges Couffignal, sont exposés au musée de l'Hospice Comtesse (Aude Cordonnier, conservatrice) aux côtés des masques et photographies réunis par Ruth Lechuga, alors directrice du Musée des Arts et Traditions Populaires de Mexico. « L'exposition comprend d'une part des masques de danse avec des photographies expliquant leurs contextes respectifs, d'autre part un nombre important de masques décoratifs. Cet ensemble témoigne de la richesse expressive nahautl de l'État de Guerrero, terre de véritables artistes populaires. » Ruth Lechuga
« Cette nouvelle forme d'artisanat s'est développée dans l'État du Guerrero comme nulle part au Mexique. Le talent et l'admirable aisance manuelle des artistes sont sans nul doute l'héritage de leur passé nahuatl. Il existe actuellement des villages entiers qui se consacrent à la production de ces sculptures. Au temps où de nombreux objets attrayants, au goût du consommateur, sont créés, cette forme de travail est devenue une source importante de revenus dans l'un des États les plus pauvres du Mexique. Ces masques ne sont pas utilisés dans les festivités de la communauté, ce sont des objets décoratifs n'ayant aucun sens cérémonial. » Ruth LECHUGA
JEAN PELLOTIER (1923-1967)
2022
Le musée de la Vallée accueille une sélection d'œuvres peintes et graphiques du peintre Jean Pellotier dont les racines sont en Ubaye.
"Je pars demain pour Barcelonnette"
Les origines familiales de Jean Pellotier sont en Ubaye, à Barcelonnette (Alpes de Haute Provence), et en lien avec le mouvement migratoire ubayen à destination des Amériques (1805-1950). Les arrières grands-parents du peintre Jean Pellotier, Joseph Pellotier (Barcelonnette 1835 - Mexico 1876) et Marie Félicité, née Favre (Paris 1849 - Nice 1941), née Favre, émigrent au Mexique, où ils fondent une famille. Joseph Pellotier, associé à son frère Théophile, dirige une fabrique de chapeaux « El Sombrero Colorado », et possèdera deux magasins, l'un à Mexico et l'autre à Morelia (État du Michoacán) ; la fabrique de sombreros se situant à Pátzcuaro.
Á la mort de son époux, en 1876, inhumé au cimetière de Mexico, l'arrière-grand-mère de Jean Pellotier rentre en France avec quatre de ses cinq enfants né(e)s au Mexique (la petite Marie Pellotier repose au côté de son père en terre mexicaine). En 1895, Marie Félicité Pellotier décide de construire à Barcelonnette une villa au sud-est de la ville, derrière le Moulin Fortoul, et s'adresse à l'architecte Rémy Reynaud qui deviendra maire de Barcelonnette (1929-1934).
Barcelonnette accueille [et continue d'accueillir] les membres de la famille Pellotier qui se retrouve chaque été en Ubaye. Des photographies montrent le peintre Jean Pellotier avec son père dans les paysages de la Vallée et sur le perron de la villa familiale, avec son chevalet entrain de peindre… Dans son Journal, daté de 1951, le peintre Jean Pellotier évoque à plusieurs reprises ses voyages et séjours à Barcelonnette.
Éléments d'une biographie
1923
Naissance le 8 mai de Jean Pellotier à Vaise, quartier industriel de Lyon, où son père, Jean Pellotier s’est établi comme médecin.
1941-1949
Jean Pellotier commence des études de notariat et d’histoire de l’art avant de se consacrer entièrement à la peinture. Bref séjour à l’école nationale supérieure des Beaux-Arts de Lyon. Expose, de 1946 à 1949, au Salon du Sud-Est à Lyon.
1949
Il s’installe définitivement à Paris et s’inscrit à l’Académie de la Grande Chaumière.
1951-1953
Lors d’un voyage en Espagne Jean Pellotier découvre l’œuvre de Goya au Musée du Prado à Madrid. Il rédige deux écrits sur l’art : l’un, dédié à DELACROIX et l’autre intitulé « GOYA et la peinture présente » resté inédit. Et traduit, en 1953, de l’anglais, « Les États-Unis, révolution permanente ».
1954-1955
Recommandé par le peintre Hans Hartung (1904-1989), Jean Pellotier expose à Berlin, à la Junge Europaische Malerei, aux côtés de jeunes peintres français, italiens et espagnols. Il rencontre la collectionneuse et mécène Annette Grüner Schlumberger (1905-1993) qui le soutient par des achats d’œuvres et la mise à disposition d’un atelier. C’est par son intermédiaire qu'il fait la connaissance de Deirdre Butler, traductrice américaine, qui deviendra sa femme.
1956-1958
Exposition personnelle en 1956 à la Galerie Claude Bernard (Paris). Première participation au Salon de Mai (Paris, 1957). Expositions collectives à la galerie Claude Bernard, en mai 1957 et mai 1958, avec les artistes Dumitresco, Marfaing, Maryan, Pouget, César, Viola…
1958-1965
Après avoir voyagé en Europe (Espagne, Belgique, Hollande) et aux États-Unis, il expose, en 1964, avec le groupe français "Nord-Sud" (Bogart, Marfaing, Lindström, Pouget) dans plusieurs villes suédoises (à Lund, Stockholm, Verberg, Göteborg). Tout en restant fidèle au Salon de Mai, il prend part au Salon des Réalités Nouvelles à Paris. Durant ces années, Jean Pellotier évolue entre figuration et abstraction : série des Façades d’atelier; des Lavabos, des Carrières de plâtre, et des Collages.
1967
Jean Pellotier meurt d’un cancer à 44 ans.
Quoiqu’inachevée, Jean Pellotier laisse une œuvre importante de quelques 275 toiles, des carnets de croquis, de nombreux dessins à l’encre, des huiles, gouaches et aquarelles sur papier (et carton), ainsi qu’une production littéraire. Jean Pellotier repose avec son épouse au cimetière historique du Peyra à Barcelonnette.
Un peintre cultivé, historien et critique d'art
Deux écrits sur l'art
Jean Pellotier rédige deux textes, l'un sur Delacroix et l'autre sur Goya qui ne sont pas seulement des analyses des toiles des deux peintres dont il admire l'œuvre, mais aussi des prises de position sur les arts, sur la peinture d'hier mais aussi celle de son temps.
« Eugène DELACROIX » - 1952
Jean Pellotier publie aux Éditions Hypérion (Paris) une étude sur Eugène Delacroix (1798-1863). Le petit ouvrage (Les Miniatures Hypérion) s'ouvre sur la description picturale du portait du grand peintre romantique dont il évoque le rapport à la vie, interroge la souffrance et l'acceptation de son destin qui le renvoie à lui-même et dans lequel Jean Pellotier s'identifie comme son double.
« GOYA et la peinture présente »
« Recherche du style spécifique de la peinture » - 1951 – Janvier 1953
Jean Pellotier, qui ne cesse de s'interroger sur son engagement artistique personnel et sur le sens de la peinture, rédige un long texte sous le titre « GOYA et la peinture présente. Recherche du style spécifique de la peinture », dans lequel il exprime son admiration pour l'œuvre du peintre espagnol Francisco de Goya (1746-1828) qui est, à ses yeux, le « premier peintre [et homme] moderne, celui qui est le plus proche de ce que nous pouvons sentir », et qui influencera son travail en profondeur.
Dans ce texte resté inédit, véritable Musée Imaginaire de la Peinture de Jean Pellotier, le peintre originaire de l'Ubaye ne multiplie pas seulement les correspondances entre Art & Littérature, ne convoque pas seulement les chefs-d'œuvre de l'histoire des Arts ; Jean Pellotier dévoile aussi son admiration pour ses contemporains et aînés, Soulages, De Staël, et surtout le peintre Hartung: « Passer à Hartung », « Qu'attendre d'autre qu'Hartung ? » (J. Pellotier, 1953)
Jean PELLOTIER et son temps
Les Années 1950 - 1965
Après le traumatisme de la seconde guerre mondiale (1939-1945), les peintres abandonnent toute maîtrise académique au profit d’une pratique spontanée en prise directe avec « la nécessité intérieure » propre à chaque artiste (Michel TAPIÉ).
En apposant au couteau sur la toile des couleurs en couches épaisses ou de larges empâtements, des graffiti ou coulures ; une certaine mise en relief de la matière picturale ; une matériologie expressive ; une gestualité assez spontanée, les peintres de ces années d’après-guerre, et Jean Pellotier, tentent de concilier abstraction et figuration. Á cette époque, la peinture qui se prend elle-même comme sujet, est aussi son propre contenu abolissant l’ancienne antinomie « intérieur/extérieur » du tableau.
Pour Hans HARTUNG (1904-1989), dont Jean PELLOTIER croise la route, « ça n’a pas plus de sens de peindre un triangle qu’une fleur. » L’artiste français d’origine allemande veut intérioriser la peinture, parce que dit-il, « la réalité représentée est une entrave à l’expression pure et libre ». De son côté, Jean PELLOTIER qui croit à une certaine responsabilité du peintre, se veut « responsable de ce que devient la peinture, c’est-à-dire de l’intelligence et de la sensibilité de son époque, de ses réactions devant la vie dans une certaine mesure » (J. Pellotier, 1951)
Jean PELLOTIER expose avec les peintres Bram BOGART (1921-2012), André MARFAING (1925-1987), MARYAN S. MARYAN (1927-1977), Marcel POUGET (1923-1985), Bengt LINDSTRÖM (1925-2008), le sculpteur CÉSAR (1921-1998), etc. On ne saura jamais si Jean Pellotier, installé à Paris, a rencontré ou connu le peintre Gilles AILLAUD (1928-2005), originaire comme lui de l’Ubaye, et représenté dans les collections du musée de la Vallée à Barcelonnette !